POINT DE VUE. L’Urbanisme et le logement après le Covid-19

Article publié le 29.09.2020 par Jean-Yves CHAPUIS sur le site de OUEST FRANCE

Dans une tribune à Ouest-France, Jean-Yves Chapuis, consultant en stratégie urbaine, ancien élu à l’urbanisme et aux formes urbaines à Rennes et Rennes métropole, interroge la nature de la ville aujourd’hui.

Il y a d’abord l’idée que les gens vont abandonner les villes pour aller vivre à la campagne. Il y a quelques années, il fallait à tout prix venir en ville, maintenant il faut en sortir. Certains parlent même de désurbanisation (1). Ce mouvement de balancier suivant les époques et les situations est toujours, il me semble un peu caricatural. La ville est plurielle, suivant l’âge que l’on a, sa situation familiale, son travail, les solutions sont différentes. On peut vouloir vivre dans une grande ville, une ville moyenne ou petite ville, dans la périphérie d’une métropole dans un centre -ville ou bien dans un quartier péricentral ou encore à la campagne. L’important est de pouvoir choisir en fonction de son mode de vie, de ses désirs et de ses contraintes. Or il n’y a que 30 % des gens qui peuvent vraiment le faire. Regardons les choses avec un peu de recul. On est passé d’une société sédentaire à une société de la mobilité. Les limites territoriales deviennent floues. Comment faire ?

S’interroger sur la notion d’habiter, comprendre que la ville n’est pas qu’une idée spatiale, mais aussi mentale, ne pas faire de dichotomie entre le rural et l’urbain. Comment créer de la culture urbaine ?

La notion d’habiter

Il faut développer la notion d’habiter qui est au-delà de construire ou de bâtir.

Le beau livre de Richard SENNETT « bâtir et habiter » renvoie paradoxalement à ce que l’on a vécu dans cette période de confinement. L’intelligence de la rue est apparue comme primordiale. Ce qui nous entoure dans les gestes quotidiens, des courtes distantes et de ce qui apparaît tout à coup comme important puisque l’on ne peut pas se déplacer très loin. On découvre le savoir local dans les choses de la vie quotidienne. Mais cela ne veut pas dire que le local est tout. Il faut à chaque fois réapprendre le local. L’urbaniste se doit de saisir cette intelligence des lieux sur lesquels il travaille pour saisir la complexité de ce qui fait le mental de la ville. On a trop l’habitude de voir dans la ville simplement sa dimension spatiale d’où les incompréhensions dans le dialogue avec les habitants. Faire travailler des ethnologues sur une opération urbaine surtout si celle-ci est en plus dans un territoire habité qui évolue, est primordial.

 

Pas de dichotomie entre le rural et l’urbain

Cette idée s’est construite en voyant évoluer la manière dont les Rennais habitaient la ville.

Dans ce contexte, il nous a semblé judicieux de réfléchir à la nature de la ville aujourd’hui. C’est ainsi qu’est né le concept de ville archipel, entendu à l’échelle de la métropole (plus de 70 000 hectares répartis entre 43 communes, dont 5000 hectares pour la ville de Rennes).

Quelles sont les caractéristiques de la ville archipel ?

La ville archipel se distingue tout d’abord par son extension. En effet, elle englobe des pans entiers de nature agricole ou sauvage, mués en morceaux de ville, voire en nouvelles centralités urbaines.

Sa seconde caractéristique est le polycentrisme : parallèlement à Rennes, de nombreuses communes représentent autant de pôles actifs grâce à leur offre d’équipements scolaires, communautaires et culturels. Ce polycentrisme est de plus en plus réticulaire car il met en réseau des centres d’importance différente. Il y a multiplication des centres principaux, éventuellement en marge du système métropolitain.

Faciliter les choix et empêcher les choix subis sont au cœur des politiques publiques. Cette ambition passe par la réalisation d’une véritable mixité sociale, aussi bien spatiale que temporelle. Il s’agit de garantir l’accès à l’éducation, à la santé et à la culture dans le cadre d’une mobilité accrue.

(1) « les métropoles barbares » de Guillaume Faburel